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Déversement des boues de vidange dans la zone aéroportuaire : les habitants de Gouana paient le prix fort

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Déversement des boues de vidange dans la zone aéroportuaire : les habitants de Gouana paient le prix fort

Le déversement des boues de vidange dans la zone aéroportuaire pose des problèmes de santé aux populations du site et environnants. Le quartier de Gouana situé au versant de la zone aéroportuaire paie le prix fort, comme en témoignent les riverains. Une équipe de reporter s’est rendu sur les lieux pour voir de visu les dégâts collatéraux causés par ces eaux sales.

Le district de Bamako connait un problème criard d’assainissement. Les déchets solides et liquides ne sont pas évacués à hauteur de souhait. Le problème est beaucoup plus criard concernant les déchets liquides venant des ménages et unités industrielles dont la plupart se déversent sur le fleuve. Aujourd’hui, ces pratiques posent de sérieux problème de santé aux populations.

Un quartier périphérique du district de Bamako paie le lourd tribut de l’insalubrité. Il s’agit de Gouana situé à une quinzaine de Km de la zone aéroportuaire où sont déversées les boues de vidange d’une bonne partie de la Capitale. Une équipe de journalistes s’est rendue à Gouana pour voir de visu les dégâts causés à la population par ces eaux usées. Il ressort des témoignages de quelques habitants que ces eaux usées portent atteinte à la santé humaine.

Témoignages…

Bassi Traoré, septuagénaire exerce l’activité agricole depuis 3 décennies.

Le vieux Bassi Traoré

Il exploite un champ de cinq hectares. D’après son témoignage, le déversement des boues de vidange a porté un coup de fatal à ses activités quotidiennes dans la mesure où les boues de vidange ont rendu les eaux souterraines sales et ont dégradé le sol. Ses arbres fruitiers (manguiers, goyaviers et citronniers) en sont morts. Pour les eaux de consommation, il fait recours aux robinets installés à quelques km de son champ. Le vieux Traoré sollicite le concours des bonnes volontés afin que cessent ces déversements.

Même appel du pied du Vieux Konaté, un autre exploitant agricole. Selon lui, depuis 2014, début de déversement de ces eaux sales, les productions céréalières et fruitières sont arrêtées. Il a perdu plus de la moitié de ses arbres fruitiers qui lui servait de sources de revenus. Selon ses estimations, il gagnait plus d’un million cinq cent mille francs (1 500 000 FCFA) par an des seuls arbres fruitiers. Aujourd’hui, il n’en gagne pas le tiers. Ce qui lui pose le problème de survie. Comme Bassi Traoré, il n’exprime qu’un seul vœu, celui de l’arrêt du déversement.

Les riverains ne disent pas le contraire. Mme Marie Madeleine Théra habite aux abords de la rivière qui draine ces eaux sales. Elle témoigne : « nous sommes des victimes collatérales de ces déversements. Quand l’hivernage arrive, nous sommes très exposés. Les eaux sales dégagent des odeurs nauséabondes qui nous empêchent de respirer. Personne n’ose rester dehors quand la direction du vent se tourne vers nous. Tout le monde se terre dans sa chambre. Nous sommes tenus de veiller sur les enfants afin qu’ils ne descendent pas dans la rivière. Gare à celui qui y met pied. Nous demandons aux bonnes volontés de trouver des solutions à ces déversements qui posent un problème de santé à nous riverains ».

Mme Rokia Doumbia est une femme leader. Pour elle, les eaux sales déversées qui traversent Gouana ont détruit leur économie. Si auparavant, les femmes gagnaient leur vie dans le maraichage, aujourd’hui, elles tirent le diable par la queue. Car, les produits maraichers sont infectés, rendant difficile leur vente. Du coup, la femme n’a plus d’économie. En plus de cette perte économique, la femme débourse de l’argent dans les soins des enfants, surtout pendant l’hivernage à cause des maladies liées à l’insalubrité.

Mamoutou Traoré est l’Imam de la Mosquée située à proximité de la rivière. Il témoigne en ces termes : « nous n’arrivons plus à pratiquer correctement les rites religieux à cause des eaux usées qui ont pollué nos puits. Pour les ablutions, nous partons puiser loin ou payons dans la plupart des cas. Pire, les odeurs nauséabondes empêchent les fidèles de faire correctement la prière ».

Les agents de l’Association de Santé Communautaire de Gouana (ASACOGOUA) expriment leurs préoccupations de voir ces eaux causées certaines maladies, surtout pendant la saison des pluies.
Mme Sidibé Aminata Coulibaly, matrone à ASACOGOUA témoigne : « nous accueillons plus d’enfants malades de paludisme, de diarrhées et autres maladies liées à l’insalubrité pendant l’hivernage. Elles sont causées par ces eaux sales. Le centre est débordé en cette période. C’est pourquoi, nous souhaitons l’arrêt de ces déversements de boues de vidange ».

Alassane Diamouténé invite les autorités compétentes à trouver la solution à ces déversements. A ses dires, la jeunesse a démarché qui de droit pour son arrêt mais, en vain. Au nom de la jeunesse, M. Diamouténé appelle les autorités à prendre leurs responsabilités pour éviter des bras de fer.

Aldjouma Coulibaly, représentant du Chef du village de Gouana, quant à lui, sollicite l’accompagnement des bonnes volontés pour arrêter ces déversements. Car, dit-il, ses conséquences sur la santé humaine ne sont plus à démontrer.

Pour sa part, Seydou Diarra, Maire Délégué de Gouana exprime sa disponibilité à accompagner toute initiative visant à arrêter l’écoulement des eaux sales dans sa commune. Il a rappelé le décret pris par le Maire sortant de Kalaban coro visant à arrêter ces déversements. Mais, il regrette que cela n’ait pas abouti à grande chose. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que cette pratique dégradante pose le problème de santé, mais aussi est source de conflit entre les populations et les déverseurs. Un moment, les jeunes en voulaient découdre avec ces derniers, mais l’intervention des élus locaux et autorités coutumières ont permis d’éviter des tensions. Si des mesures ne sont pas prises pour y mettre un terme, tout peut arriver, que Dieu nous en garde, a ajouté l’édile qui salue de passage l’engagement de WaterAid pour arrêter les actions de déversement.

Les vidangeurs se justifient

Si les habitants se plaignent de ces déversements qu’ils jugent attentatoires à la santé humaine, le Président du syndicat des vidangeurs ne l’entend pas de cette oreille et pourquoi. Pour Samou Samaké, le choix du site est venu de la mairie du district et non de son syndicat. La mise à leur disposition du site fait suite à une grève d’un mois et 3 jours observée par les vidangeurs en 2008. S’il y a plainte, cela doit être contre la Mairie du district et non les syndicats, a fait savoir le président des vidangeurs.

Les services techniques de l’Etat rassurent

Tout en reconnaissant les dégâts causés par les eaux sales aux habitants de Gouana, la DNACPN et l’ANGESEM annoncent que des dispositions sont en cours pour aménager ce site. Un financement de la Banque Mondiale à travers le Projet de Résilience urbaine de Bamako est acquis pour l’aménagement de ce site. Les autorités aéroportuaires opposent un niet à sa réalisation estimant qu’elle portera atteinte à la sécurité de l’Aéroport. Des études sur l’impact environnemental, sanitaire et social y seront menées avant tout réaménagement, a dit Niarga Dembélé, Chef Division Assainissement à la DNACPN.

L’on tend vers le consensus entre plaignant et vidangeurs au cas où les clauses sont respectées de part et d’autre. Pour ce faire, l’accompagnement des bonnes volontés ne manquera pas aux autorités communales à propos du déversement des boues de vidange dans la zone aéroportuaire.

Enquête commanditée par WaterAid et
réalisée par Hassana Kanambaye

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