Interview exclusive de Mme Sidibé Dédéou Ousmane, secrétaire générale de la CDTM
« De 2014 à nos jours, nous avons déposé sur la table du gouvernement un cahier de doléances comportant 33 points et obtenu 30 points d’accord »
Les travailleurs du monde entier célébreront la journée mondiale du travail le vendredi 1er mai prochain. A cet égard, votre journal en ligne, leveilinfo.net, a interviewé la secrétaire générale de la Centrale Démocratique des Travailleurs du Mali (CDTM) pour parler de ce que la plus jeune centrale syndicale fait au bénéfice des travailleurs du Mali.
Suivez l’entretien !
1- Bonjour Madame, parlez-nous des missions que la CDTM s’est assignées ?
Avant tout propos, je voudrais commencer cet entretien par souhaiter un bon mois de ramadan à tous les travailleurs ainsi qu’à tous les Maliens. Que Dieu fasse que nous puissions avoir la force de surmonter les difficultés actuelles, puisque ce mois de ramadan coïncide avec une crise sanitaire mondiale sans précédent.
La Centrale Démocratique des Travailleurs du Mali (CDTM) est composée de plusieurs branches de travailleurs. On retrouve à la CDTM les secteurs formel et informel, l’administration publique comme l’administration privée. Nous avons pour mission la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs comme toute autre centrale syndicale. A la seule différence que nous, depuis la création de la centrale de 2014 à nos jours, nous nous sommes donnés comme objectif, leitmotiv de dialoguer entre les employeurs et les travailleurs, de dialoguer avec les autorités pour pouvoir atteindre nos objectifs et nos missions.
2- Quelles sont vos priorités en tant que secrétaire générale de la CDTM ?
En tant que secrétaire générale, je n’ai pas de priorités distinctes de celles de la centrale. Il s’agit en occurrence de défendre les intérêts des travailleurs et de m’assurer du bien-être social et des conditions de travail telles que les conditions de sécurité, de santé. En un mot, il s’agit d’atteindre la protection sociale pour tous les travailleurs qu’ils soient du secteur formel ou informel.
3- De votre élection à la tête de la CDTM à nos jours, quelles sont vos principales réalisations ?
Depuis notre Assemblée constitutive en juin 2014, nous avons déposé sur la table du gouvernement un cahier de doléances comportant 33 points. A l’issue du dialogue avec les partenaires sociaux, le gouvernement et le patronat autour de ces 33 points, nous avons obtenu 30 points d’accord. Sur les 30 points d’accord, il existe quelques points qui ne sont pas encore éteints. Mais, on peut noter parmi les points éteints essentiellement l’augmentation des frais de mission, l’amélioration des conditions de travail notamment la Maison des artisans, la fonction publique des collectivités, la réduction de l’ITS (Impôt sur le Traitement des Salaires) qui est très élevé pour les femmes en République du Mali.
4- L’année dernière, un syndicat de la protection civile, affilié à la CDTM, avait des difficultés à se faire accepter par sa hiérarchie. Y-a-t-il eu une solution à la date d’aujourd’hui ?
La question est toujours pendante. Sur ce point, il faut dire qu’il y a eu carrément violation flagrante de la liberté syndicale. Mais, le problème est beaucoup plus entre les travailleurs de la protection civile. Parce qu’il y a déjà deux (2) syndicats au niveau de la protection civile qui ont fait front pour soutenir la Direction Générale de la Protection Civile afin que le syndicat affilié à la CDTM ne puisse pas prospérer. Or, l’administration doit s’assumer. Il n’est pas interdit qu’il y ait plusieurs syndicats dans une structure. En plus, la liberté syndicale est consacrée par la Constitution. Ce n’est pas bienséant qu’une direction générale se mêle du fonctionnement des syndicats jusqu’à chercher à étouffer la création d’une autre branche syndicale au profit des deux (2) autres qui existent même si ce sont ces deux qui confortent la direction générale dans sa position actuelle. Quand tous ces syndicalistes ont eu vent qu’ils vont former un syndicat affilié à la CDTM, ils ont été victimes d’affectation abusive. En ce moment, nous sommes en train de dialoguer avec le Ministère du Dialogue Social et avec les responsables des différents départements pour que cette situation puisse avoir un dénouement heureux. La CDTM ne met pas en place une branche pour combattre la direction. Non ! Ce sont des travailleurs qui ne se retrouvaient pas dans les autres syndicats existants qui ont voulu voler de leurs propres ailes. Cela est leur droit.
5- Actuellement, le monde entier fait face à la pandémie du coronavirus. Que pensez-vous des dispositions prises par les plus hautes autorités pour protéger les Maliens en général et les travailleurs en particulier ?
C’est vraiment l’actualité mondiale car, ce n’est pas le Mali seul qui fait face à cette pandémie qui est en train de faire des ravages sur d’autres continents. Nous prions le bon Dieu pour que le Mali ne vive pas ce que ces continents vivent. Parce que non seulement notre pays, le Mali, n’a pas les structures sanitaires adéquates pour faire face, mais aussi nous n’avons même pas les moyens adéquats pour détecter cette maladie. Ensuite, il y a le comportement de la population qu’il faut changer. A mon sens, il n’y a pas eu suffisamment de communication et de sensibilisation autour de la maladie pour que beaucoup de gens puissent réaliser enfin que nous vivons une période très difficile. Et cela est un drame. Le Gouvernement a pris des mesures, certes. Les gestes barrières, c’est dans le monde entier. Les autorités ont demandé à tous les Maliens et Maliennes de respecter ces gestes barrières. Mais, encore faut-il qu’elles soient comprises par les Maliens. Alors qu’à la date d’aujourd’hui, je suis sûre que malgré tous les efforts, il y a au moins 80% de la population qui ne se sent pas concerné. La réaction des uns et des autres que l’on voit sur les médias tous les jours fait qu’on reste perplexe. Ces temps-ci, nous assistons à la distribution des kits de lavage des mains par le Ministère de la Santé et tous ceux qui l’accompagnent. En plus, ces derniers mènent une vaste campagne pour que dans les endroits où il y a une très forte densité de personnes tels que les marchés, les lieux de travail, les gestes barrières puissent être apprivoisées par tout le monde. C’est-à-dire que les gens puissent se laver les mains correctement, appliquer la solution hydro-alcoolique. Aussi, des efforts ont été faits concernant le port des masques. Le Président de la république l’a annoncé dans les mesures pour faire face à la pandémie. Aujourd’hui, nous assistons à la distribution de masques à Bamako par les autorités. Même si c’est insuffisant, c’est quand même un début d’exécution.
6- Au niveau de votre centrale, avez-vous mené des activités en faveur de la lutte contre cette pandémie ? Si oui, pouvez-vous nous en citer quelques-unes ?
Au niveau de la CDTM, nous avons mené des actes avant beaucoup d’autres centrales. Depuis le 25 mars, nous avons sillonné certaines structures comme la Maison des Artisans et nous avons mis à la disposition de ceux qui y sont des kits de lavage des mains. Mieux, nous avons une brigade de jeunes volontaires qui constituent la jeunesse de la CDTM et qui fait de porte à porte pour sensibiliser les gens en ce qui concerne les gestes barrières notamment le lavage des mains et le port des masques. Nous avons fait le lancement à la Maison des Artisans le 25 mars et nous continuons. A la date d’aujourd’hui, nous avons distribué un bon nombre de kits de lavage des mains selon nos moyens modestes. Nous avons également confectionné, par le canal de nos artisans, des milliers de masques qu’on a déjà distribués à certains travailleurs et à la population. Sur ce plan, la CDTM a été championne. Malgré nos moyens limités, nous avons cette volonté de participer à la lutte contre la pandémie et d’aider les travailleurs à se protéger. Je dis tout le temps aux travailleurs que chaque Malien a le devoir de se protéger. Il ne faut pas attendre que les autorités fassent le geste. Chacun a le devoir de se protéger d’abord, ensuite le reste suivra.
7- Nous sommes à la veille du 1er mai, fête du travail, qui se tient cette année dans un contexte particulier marqué par le Covid-19. Quel message adressez-vous aux travailleurs en général et ceux affiliés à la CDTM en particulier ?
Nous sommes devant une situation inédite. Une situation très triste devant laquelle les pays les plus nantis sont impuissants et le Mali ne fait pas exception à la règle. Cette année, il n’y aura pas de festivité commémorative du 1er mai de part le monde entier. Tous les travailleurs ont décidé de surseoir à toute manifestation, à toute activité festive et d’avoir une pensée à ceux qui sont malades du Covid-19 mais qui n’ont pas malheureusement de soins. Car, jusqu’à preuve de contraire aucun vaccin ni traitement curatif n’a pu être trouvé contre cette maladie. Alors, nous avons décidé d’adresser quelques mots à nos militants et leur demander qu’on joigne nos efforts, qu’on fasse tout ce que l’on peut pour aider les autres travailleurs afin que les gestes barrières puissent être respectées. Parce qu’il y va de notre survie. Nous ne pouvons faire que de la prévention parce que c’est le seul moyen que nous avons à notre disposition à l’étape actuelle de la pandémie. Aussi, je lance un appel à toutes les organisations syndicales de mettre l’accent sur la prévention. Veillons que nous soyons des vecteurs de communication et de sensibilisation vis-à-vis de toute la population malienne et particulièrement les travailleurs maliens.
8- Dans l’exercice de vos fonctions de secrétaire général de la CDTM, avez-vous rencontré des difficultés ?
Les difficultés sont inhérentes à toute activité, à la vie tout court. Mais, les difficultés particulières que nous vivons au niveau de la CDTM, c’est la non équité qui existe entre les différentes centrales syndicales. Les autorités favorisent certaines centrales par rapport à d’autres. Nous sommes d’accord qu’il y a des centrales plus anciennes que d’autres. Nous sommes aussi d’accord qu’il y a des centrales qui ont plus de militants que d’autres. Nous lançons un vibrant appel aux autorités pour que plus tard nous ne puissions pas vivre une autre crise sociale en plus des crises sécuritaires, sanitaires, économiques que nous vivons actuellement. Si on ne prend pas garde, la crise sociale viendra de la gestion que les autorités font de la matière syndicale. En général, les difficultés majeures que nous vivons aujourd’hui sont les violations flagrantes de la liberté syndicale et la non équité dans la gestion de l’État en ce qui concerne les centrales syndicales.
9- Quelles sont vos perspectives ?
Nos perspectives, c’est de faire le vrai syndicalisme. Faire en sorte que la CDTM soit une centrale d’avant-garde. Quelle reste fidèle à ses idéaux qui se résument à : « servir le syndicalisme et non se servir du syndicalisme ». Nous nous projetons dans la défense des intérêts matériels et du bien-être social de tous nos affiliés.
10- Un mot de la fin ?
C’est de souhaiter une fois de plus un bon mois de ramadan à tout le monde. Nous prions de tout cœur pour que ce Covid-19 soit un mauvais souvenir. Nous prions également pour le repos de l’âme de tous nos camarades, des personnes qui ont été emportées par la maladie. Aujourd’hui, le Covid-19 est une triste réalité au Mali et le nombre va croissant. Nous souhaitons une meilleure santé à tous ceux qui sont dans les Hôpitaux ou à la maison confinés pour raison de maladie. Nous prions en plus pour que ceux qui sont en bonne santé ne puissent jamais vivre le coronavirus.
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