MODIBO SIDIBE : « La COVID 19 ET NOUS : CE QUE JE CROIS »

MODIBO SIDIBE : « La COVID 19 ET NOUS : CE QUE JE CROIS »

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Modibo Sidibé, Président du Parti FARE

MODIBO SIDIBE : « La COVID 19 ET NOUS : CE QUE JE CROIS »

Depuis quelques semaines, l’épidémie de coronavirus connaît une certaine recrudescence dans notre pays, au regard des données chiffrées publiées par les autorités sanitaires, données qui par ailleurs, semblent sous-évaluées selon certaines sources. Cette aggravation de l’épidémie s’accompagne d’un plus grand nombre de décès liés à la covid19. Nos principales institutions hospitalières qui souffraient déjà d’une multitude d’insuffisances sont aujourd’hui débordées au point de ne plus être en capacité de faire face à la situation.
Pourquoi en est-on arrivé là, quand on sait qu’après l’apparition du virus au Mali à la fin du premier trimestre de cette année, il était évident que la riposte nationale s’inscrirait dans la durée et nécessiterait surtout une gouvernance organisée, énergique et anticipative, un investissement financier conséquent, une mise en conditions positives du personnel médical, une communication de crise efficace, la prise de décisions fortes et l’accompagnement idoine des catégories socio-économiques les plus vulnérables, entre autres axes de gestion de l’épidémie.
Oui, pourquoi en est-on arrivé là ? Qu’est-ce qui a été fait pour prévenir cette recrudescence dramatique de la covid19 au Mali ?
Déjà au mois d’avril dernier, des voix s’étaient élevées à titre de contribution pour appuyer les efforts nationaux qui devaient être engagés dans ce combat aussi insidieux qu’implacable. Figure parmi celles-ci la Tribune publiée fin avril 2020 par l’ancien Premier Ministre Modibo Sidibé.
Nous vous proposons en rappel quelques extraits dont l’actualité est on ne peut plus frappante.
« Pour affronter la maladie qui est désormais présente au Mali, avec Bamako comme épicentre, les mesures les plus strictes doivent être prises sans délai pour limiter sa diffusion et son extension à l’ensemble du pays….
Avons-nous véritablement tiré toutes les leçons de l’épisode EBOLA, particulièrement disposions nous d’un Plan de préparation et de réponse solide, constamment adapté aux menaces d’épidémies à potentiel de pandémie ? Allons-nous sortir de là sans dispositif de santé publique robuste, sans une recherche performante, sans une capacité renforcée de réflexion stratégique, d’anticipation ? Sans appréhender les bases d’un nouvel essor ?
A cet égard, quatre questions nous semblent importantes : la gouvernance, la pertinence des mesures sanitaires et socioéconomiques, la reconstruction de nos capacités de recherche et d’innovation technologique, la définition d’un dispositif pérenne de prospective et donc d’anticipation….
Mesures sanitaires, sociales et économiques
Tout doit être fait pour ralentir, contenir la diffusion du virus. Bien de mesures prises vont dans le bon sens – même si d’autres attendent des décisions- et nous devons tous soutenir, faire connaitre et faire respecter par tous les citoyens les règles de base pour la prévention de la maladie :
La mise de distance (plus d’1 mètre) entre les personnes.
Le lavage fréquent des mains au savon, ou pour ceux qui le peuvent de gel hydroalcoolique,
La protection des autres contre la toux,
La suppression des poignées de main et des embrassades.
Le port de masques et on doit prendre soin de ne pas le présenter comme un substitut aux autres mesures.
Quelques remarques et suggestions :
Le personnel de santé que nous félicitons et encourageons doit être convenablement équipé ; formé tout le long avec un plan de mobilisations de ressources humaines complémentaires. Il en est de même pour le personnel de la protection civile.
Prendre immédiatement des mesures drastiques et en atténuer les contraintes par un volet social et/ou économique approprié…. Il faut confiner (isolement) Bamako et environs et prendre toutes les mesures pour contenir la propagation.
Capacités à collecter les informations, les traiter et prendre les décisions et les ajuster à l’évolution de la maladie ; évoluer en temps réel et anticiper en impliquant les chercheurs.
Redéployer le programme de communication et de mobilisation, en incluant fortement les collectivités, notamment les communes qui ont des responsabilités en la matière ; les chefs de village, de fraction et de quartier et avec eux élargir aux comités de chefs de famille pour agir et gérer au plus près des populations, les jeunes et les femmes, les mesures indispensables et qui sont contraignantes.
Adapter notre doctrine en matière de tests et donc de dépistage au profil de l’épidémie, aux objectifs d’endiguement de la maladie.
Etendre les capacités de diagnostic du Covid-19 au niveau national, les quatre laboratoires retenus dans le plan sont tous situés à Bamako. Il est impératif de prendre en compte la dispersion de la maladie dans les régions du pays et la multiplication des foyers (épicentre). Pour cela, un inventaire de tous les laboratoires des districts sanitaires disposant des enceintes de confinement microbiologique de type 2 (poste de sûreté microbiologique) qui permettent la manipulation du virus pour le diagnostic doit être fait. Il existe et peut être disponible des appareils pour la PCR qui peuvent être installés dans ces laboratoires pour décentraliser le diagnostic du Sars-Cov 2 l’agent causal du Covid-19. Les kits de PCR pourraient être mis à la disposition de ces structures de santé….
Dans tous les cas, l’impératif est de contenir et d’enrayer l’épidémie.
Au plan social et économique
Si on peut apprécier les gestes de solidarité de nos dirigeants, comme les soutiens annoncés au plan social et économique, on est interrogatif sur le caractère quelque peu précipité de ces annonces. On aurait gagné à cerner l’état réel de notre économie et l’impact économique du coronavirus ; l’économie informelle, les conséquences sur le monde rural déjà confronté à l’insécurité quotidienne, l’économie réelle est ébranlée engendrant détresse sociale et dysfonctionnements socioéconomiques. La panoplie des réponses « habituelles » est déployée, elle pansera des plaies, répondra à des urgences aux conséquences graves.
Ne restons pas cantonnés à cela. Il nous faut enclencher les prémisses d’un modèle économique plus solide, parce que les grandes crises, c’est aussi l’opportunité d’entreprendre des transformations profondes et globales qui ouvrent une nouvelle ère d’infinies possibilités. Ne nous privons pas de cette opportunité, mais ceci demande une autre gouvernance, un Etat stratège.
3.Remobiliser notre capacité de recherche et d’innovation
Soyons inventifs et utilisons toutes les ressources de notre système de santé, d’enseignement supérieur et de recherche. Oui, toutes ces générations de scientifiques, chercheurs au talent avéré, anciens, seniors comme cadets et qui ont fait et pourraient tant faire encore pour leur pays ; eux qui emportent des projets de recherche, qui portent les centres d’excellence et qui collaborent avec des instituts réputés. C’est le lieu de leur rendre un vibrant hommage, de leur manifester notre gratitude, et de leur dire qu’ils sont le fer de lance d’un Mali maître de son destin.
L’innovation est la force motrice qui nous permettra de réussir notre décollage économique : nous devons y mettre le prix qu’il faut. Notre capacité à nous développer par nous-mêmes en dépend. Le développement de la recherche doit être axé sur les besoins économiques et sociaux du Mali et fondé sur les priorités de son développement.
C’est dans cet esprit qu’a été créé en 2011 le Fonds Compétitif pour la Recherche et l’Innovation Technologique (FCRIT). Le Fonds est alimenté par des subventions budgétaires représentant 0,20% des recettes fiscales (on se souviendra que ce mode de subvention n’existait que pour les partis politiques avec 0,25%) et, pour ne remonter qu’à 2017 le fonds a reçu environ 2, 333 milliards de FCFA ; 2018 : 2,6 milliards, 2019 le même montant et 2020 :  2,3 milliards CFA soit en quatre ans environ 9,8 milliards de francs CFA. Les ressources affectées au Fonds sont additionnelles aux allocations budgétaires existantes pour le secteur de la recherche.
Nous avons les compétences, des laboratoires de recherche de niveau élevé, des expériences avérées y compris en recherche vaccinale, comme en pharmacopée traditionnelle…Nos chercheurs sont déjà engagés, on doit les encourager et leur donner les moyens appropriés. Voilà le chemin des réponses endogènes et structurantes.
Sortons ce Fonds de la léthargie dans laquelle on l’a confiné. Enseignants, chercheurs, ingénieurs, industriels, artisans et producteurs agricoles… mobilisons- nous pour amener les pouvoirs publics à utiliser le Fonds comme un puissant levier, pour faire éclore les créativités, les innovations, faire jouer les compétences dans une articulation recherche et production avec une vision stratégique partagée, des axes de recherche prioritaires et le tout, porté par un agenda clair et volontariste.
4. Renforcer notre capacité de réflexions stratégiques et d’anticipation
Quels sont les lendemains de la pandémie Covid-19 ? Le monde va changer, sa gouvernance doit changer, de nouveaux équilibres sont en construction, des redistributions vont se faire : quel horizon pour le Mali et l’Afrique ?
Que de plans et de financements annoncés pour le Mali, pour l’Afrique. On reparle de la dette – moratoire, annulation – sans interroger le système de la dette, ni les gouvernances encore moins les modèles économiques.
L’Afrique ne doit plus subir. Nous devons nous préparer, anticiper et construire notre propre chemin avec la ferme volonté de ne plus « …continuer à dormir sur la natte des autres… », ni dormir non plus sur celle qu’on veut nous réserver.
Et comme nous le disions, « la vérité, c’est que les modèles institutionnels et économiques nés avec les indépendances ne sont plus en mesure de donner efficacité et cohérence même aux programmes les plus judicieux. Il nous faut changer de modèle. ».
Aussi, comment refonder notre modèle de gouvernance, de démocratie, notre modèle économique et donc de développement ? Nous devons nous donner les moyens de contribuer activement à la réflexion stratégique au niveau de notre région et de notre continent. Et le Mali doit-être à l’avant-garde, lui qui fût actif dans l’avènement de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) et dans celui de l’Union Africaine (UA). Nous devons nous hisser à la hauteur des nouveaux enjeux. Cela demandera une vision d’ensemble, de la planification, de la méthode et du courage. »

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