Une énième campagne vient d’être lancée sous ce label. Personne ne peut raisonnablement contester les objectifs mis en avant pour nous inciter à limiter les naissances dans nos foyers. Mais ce qui est intrigant, c’est que cette campagne semble orchestrée de l’extérieur. Elle ressemble à la concrétisation de la volonté de certains de limiter le nombre des Africains. Ils n’arrêtent pas de nous conseiller d’arrêter de faire beaucoup d’enfants si nous voulons nous développer. Si on suit leur raisonnement, plus les Africains sont nombreux moins ils parviendront à se développer.
L’idée est quand même contredite par la réalité que nous vivons. Quand regarde la carte du monde, les pays les plus puissants sont ceux qui ont plus de 100 millions d’habitants. Qui sont les maîtres du monde de par leur puissance militaire et économique ? Les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, etc. Les militaires de certains de ces pays sont plus nombreux que la population du Mali. Leurs capitales sont plus peuplées que l’ensemble du Mali.
Revenons en Afrique. Le Nigeria, et dans une moindre mesure l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Kenya et même l’Éthiopie, sont des pays qui ont amorcé leur décollage économique. Plus loin de nous, la Chine et l’Inde sont des exemples frappants de pays qui ont profité du dividende démographique. Voilà des pays qui sont devenus si forts que personne ne s’avise à leur dicter une conduite. Ils se sont affranchis de la domination étrangère qui pèse sur nous.
Il se trouve que ce sont ces dominants qui financent généreusement des campagnes de planification chez nous. L’objectif stratégique n’est-elle pas de nous maintenir dans le sous-développement pour perpétuer leur domination ? Sans compter qu’ils se débarrasseront par la même occasion d’un envahissement par des millions de jeunes africains qui n’auront pas trouvé de quoi s’épanouir sur les terres de nos ancêtres. Si les Africains débarquaient en masse en Europe ou dans d’autres parties du monde pour y refaire leurs vies, ce ne serait qu’un remake du déferlement des Européens sur les autres continents à la recherche d’une vie meilleure parce qu’ils se sentaient à l’étroit chez eux. Bon ça remonte si loin que l’on a peut-être oublié cet épisode de l’histoire de l’humanité, si douloureux pour certains peuples dits primitifs que l’on a spoliés de leurs terres et victimes de génocide. Ceux qui en ont bénéficié et qui doivent la domination du monde en partie à la colonisation des « terres vierges des sauvages », peuvent feindre de l’oublier. Ils dominent le monde tant et si bien que partout sur la planète on parle leurs langues.
L’idée que des hordes de jeunes africains paumés débarquent chez eux comme leurs ancêtres l’ont fait en Afrique et ailleurs, n’est guère réjouissante. Elle pousse à délier les cordons de la bourse pour financer des campagnes qui prétendent assurer notre bien-être. Pour nous mobiliser autour de cette cause, ils ont la tâche facile. Il suffit d’élaborer quelques idées à mettre en avant et des fonds pour financer les activités. Chez nous, si une activité est bien menée et dans la durée, la plupart du temps, le financement est abondant et il vient de l’extérieur. Il y a donc à manger comme on dit prosaïquement. Les autres ont toujours une longueur d’avance sur nous parce qu’eux ont des objectifs stratégiques et travaillent pour les atteindre. Nous sommes encore dans la satisfaction de nos besoins immédiats qui se résument à posséder de belles maisons, rouler carrosse et compter des maîtresses.
Oui, c’est aussi une forme du développement.
Bréhima Touré, Journaliste-écrivain