MSF au Mali
L’organisation médicale internationale humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) est présente au Mali depuis 1985. En 2017, dans la région du nord à Ansongo nous avons permis plus de 1500 accouchements médicalisés et offert 2 776 consultations de maternité. A Douentza au centre du Mali, 442 femmes ont pu bénéficier elles aussi de notre soutien pour leur accouchement.
« Ce n’est pas juste qu’une femme meurt en donnant la vie, c’est pourquoi nous devons tout faire pour aider les femmes en leur proposant un accouchement médicalisé», dit Mamadou KEITA, spécialiste en gynéco-obstétrique, Référent du projet médical de MSF à Ansongo.
MSF offre aussi des soins médicaux aux gratuits aux femmes dans les autres régions du Mali : à Kidal et à Ténenkou.
Une marche de deux jours pour sauver sa vie de justesse
Tala, 17 ans, issue d’une communauté nomade située entre Ménaka et Ansongo, dans l’Est du Mali, a voyagé 100km pendant deux jours dans des conditions terribles pour rejoindre le centre de santé de référence (CSRéf) d’Ansongo. Elle souffrait d’une forte anémie suite à une hémorragie survenue après son premier accouchement à domicile.
Au centre, la mère de Tala, Tahata âgée d’une cinquantaine d’années, au chevet de la jeune maman.
Tahata nous raconte leur histoire : « Ma fille est tombée malade après son accouchement. Elle est devenue très faible. Suite à la naissance de son enfant, elle a perdu beaucoup de sang. Le centre de santé communautaire se trouve très loin de chez nous, à plus de 50 kilomètres. L’état de la route n’est pas bon et souvent, nous avons peur de ce qu’il peut se passer en chemin.
Elle a été obligée d’accoucher à la maison, comme la plupart des femmes qui donnent naissance à la vie chez nous. Comme elle n’arrivait plus à se reprendre, nous avons utilisé les médicaments traditionnels pour la soigner, mais ça n’a pas fonctionné. C’est à ce moment que j’ai décidé de l’amener tout de même au CSCOM en charrette et seule, car les hommes étaient au pâturage. Nous avons pris le nouveau-né avec nous.
Le voyage a duré un jour entier, et cela a été très dur. Au centre de santé, son état s’est encore aggravé. Le personnel médical nous a alors parlé de MSF et de sa présence à l’hôpital d’Ansongo. Nous nous sommes remises en route, toujours en charrette. Avec la chaleur, ma fille a commencé à agoniser. Heureusement, nous avons croisé un véhicule que nous avons arrêté et qui nous a gentiment conduit jusqu’à Ansongo.
Lorsque nous sommes enfin arrivés tard dans la nuit, ma fille a été hospitalisée. On m’a dit qu’elle manquait sérieusement de sang. Je me suis demandé comment j’allais faire pour payer la transfusion et les soins. Et là, les équipes de MSF ont fait un travail formidable, elles ont sauvé la vie de ma fille, sans me demander d’argent, et j’ai même reçu de la nourriture pendant que je veillais à son chevet. Aujourd’hui elle va beaucoup mieux et elle peut enfin s’occuper de son bébé. »
Accoucher dans de meilleures conditions est le rêve de tant de femmes au Mali.
Awa a connu une hémorragie énorme lors de son accouchement prématuré, à domicile, pendant lequel elle n’a bénéficié d’aucune assistance médicale. Pour l’aider à stopper sa perte sanguine, ses parents ont usé en vain des médicaments traditionnels. Pendant tout ce temps, Awa souffrait, ne mangeait plus, s’affaiblissait et pour finir est devenue sévèrement anémique. C’est après vingt jours dans cette situation qu’elle est arrivée urgemment au centre de santé de référence de Douentza à bord d’un tricycle. Sa prise en charge est assurée gratuitement par MSF.
Amadou, cultivateur, originaire de Douentza au Mali, accompagne sa femme Awa au centre de santé de référence de Douentza. Sa femme souffre d’anémie sévère suite à l’hémorragie provoquée pendant à son accouchement prématuré à domicile.
Amadou nous relate les faits : « Nous sommes de Douma, un village très loin de la ville de Douentza où il n’existe même pas de centre de santé. C’est la raison pour laquelle j’ai amené ma femme Awa ici, pour la faire soigner. Elle était enceinte pour la première fois. Comme on est loin de l’hôpital, elle ne suivait pas ses consultations prénatales. Mais on croyait avoir bien calculé le mois de sa grossesse qui n’était encore arrivé à termes. Un jour, subitement, elle ressentait des douleurs au niveau du ventre.
C’est à ce moment qu’on s’est rendu compte qu’elle était sur le point de donner naissance à notre premier enfant. Il était déjà trop tard pour l’amener à l’hôpital. Et en plus, aucun centre de santé n’est proche de nous. C’était trop dur pour ma femme et moi de voir ce qui se passait : elle a perdu trop de sang et son bébé était sans vie. En tant que père c’était très dur pour moi.
La tragédie s’est déroulée il y a vingt jours de cela. Pour faire arrêter le sang, on a utilisé beaucoup de médicaments traditionnels qui ont pris du temps avant de stopper l’hémorragie. Pour nous c’était déjà une partie remise, mais Awa n’était toujours en forme, elle n’avait plus d’appétit, était moins dynamique. C’est à ce moment qu’elle a commencé avoir la peau gonflée ; son visage, ses paumes, tout est devenu déformé. C’est à ce moment qu’on s’est mis à chercher un moyen pour l’amener ici. Lorsqu’on est arrivés, elle s’est fait examiner et selon le conseil de ses médecins, elle a mangé des aliments lui permettant de récupérer un peu de la force ».
« On a eu peur de sortir, d’emprunter seules la route à cause de l’insécurité »
Aminatou a été amenée en urgence, tôt le matin, à la maternité du centre de santé d’Ansongo 14 jours après son accouchement à domicile, sans assistance médicale. Mourante, elle a piqué la crise d´éclampsie en quatre reprises pendant l’examen clinique. Toute l’équipe MSF s’est mobilisée au niveau de la maternité. Son état s’est beaucoup stabilisé et sa vie ne serait plus en danger.
Wanli l’accompagnante de Aminatou nous raconte : « Tout a commencé à cinq heures du matin lorsqu’elle a pris son petit-déjeuner. C’est à ce moment que sa crise d’éclampsie a commencé. Elle s’évanouissait, elle tremblait sans cesse. On a cherché un véhicule pour l’amener ici à l’hôpital. Mais comme c’était la nuit, il n’y avait pas d’homme pour nous accompagner à l’hôpital. On a eu peur de sortir, d’emprunter seules la route à cause de l’insécurité.
Le lendemain matin, on l’a amenée au centre de santé communautaire où elle avait suivi ses consultations pendant sa grossesse ; sa dernière consultation remontait à trois jours avant son accouchement. Ma nièce souffre des complications liées à son accouchement à domicile sans assistance médicale. Je sais qu’accoucher en dehors de l’hôpital, des fois ça peut marcher, mais des fois cela peut aussi occasionner de graves conséquences. Mais vu l’insécurité, les femmes n’ont pas le choix d’accoucher à domicile pendant la nuit. On est conscientes des conséquences que cela peut causer».
Dr Sidiki Amadou est le médecin de MSF qui s’occupait de la prise en charge de la patiente (Aminatou) dans la salle de consultation d’urgence à la maternité.
« Grâce aux différents traitements reçus, sa crise d’éclampsie s’est estompée. L’accouchement à domicile, c’est quelque chose qu’il faut bannir à tout prix. Surtout pour les populations de la ville d’Ansongo, car après l’accouchement il y a souvent des complications, comme le cas de cette mère. La crise d´éclampsie est mortelle, la patiente avait mordu sa langue très fortement, alors qu’on essayait de la sortir de son état de crise. Comme beaucoup d’autres, sans prise en charge, elle aurait pu perdre la vie. Pour lutter contre les accouchements sans assistance médicale, à domicile, MSF communique avec les femmes pendant les consultations prénatales. Il est important aussi de diffuser les messages sur les antennes, de faire une sensibilisation à grande échelle afin que les populations comprennent les conséquences liées avant, pendant et après l’accouchement ».
« J’étais très inquiet pour sa survie »
Fatoumata, femme nomade et mère de cinq enfants, vient de Dala à 5 km de Douentza, au centre du Mali. Elle est arrivée presque mourante à la maternité du centre de santé de référence à Douentza. L’équipe de MSF est parvenue à stabiliser son état, sa vie n’est plus en danger.
Le mari de Fatoumata nous restitue les faits : « J´accompagne ma femme qui est malade. Nous sommes arrivés à 11 heures ce matin, elle s´était complètement évanouie. Ses douleurs ont commencé il y a environ trois jours. Elle me disait qu’elle avait mal à la poitrine. Mais nous n’avons pas été dans un hôpital pour voir de quoi elle souffrait. C’est seulement lorsque sa santé s’est aggravée qu’on a pris une moto-taxi pour venir à l’hôpital de Douentza. Lorsqu’on est arrivés ici au centre de santé, elle a été reçue par les médecins. Elle ne bougeait plus alors. J’étais très inquiet pour sa survie. Ils l’ont conduite dans une salle à l’aide des bras de plusieurs sages-femmes. Je suis resté en dehors de la salle. Et après quelques instants, les docteurs m’ont demandé si je savais de quoi elle souffre ; j’ai répondu non.
Et c’est là qu’ils m’ont informé de la grossesse de ma femme, qui datait de 5 à 6 mois. Personne de la famille ne s’en doutait ! Ni moi, ni elle ne s’était rendu compte de cette grossesse. Les soignants m’ont dit que son malaise était lié à sa grossesse. Maintenant son état s’est amélioré, elle s’est réveillée. Désormais elle viendra suivre ses consultations prénatales».
Aissata Koné, la sage-femme en charge de la patiente explique : «Les accompagnants ont été questionnés à propos des causes de l’état de la patiente, ils nous ont répondu qu’elle était tout simplement malade. Alors, nous avons examiné la patiente et nous nous sommes rendu compte qu’elle était enceinte de 5 ou 6 mois, sans le savoir et sans qu’aucun membre de sa famille ne le sache. Nous leur avons expliqué l’importance de venir au centre de santé lorsque des douleurs comme celle de la patiente se font sentir. Cette dernière avait connu un accouchement à domicile autrefois qui s’était mal passé. Heureusement pour cette nouvelle grossesse, nous avons pu la rencontrer à temps et lui dire l’importance de suivre des consultations prénatales ».
Encadré
À l’occasion de la journée mondiale de la femme célébrée ce 8 mars, l’organisation médicale humanitaire internationale, Médecins Sans Frontières au Mali a le plaisir de partager avec vous quelques témoignages de femmes en annexe qui renseignent plus sur les problématiques sanitaires de la femme au Mali.
La femme est au cœur de nos activités avec en 2017 à travers nos 5 projets au Mali :
– District sanitaire d’Ansongo :
Maternité du CSRéf: 1210 accouchements et 2 776 consultations
Maternité du CSCom : 317 accouchements
– District sanitaire de Douentza :
Maternité : 442 accouchements en 6 mois des opérations
– District sanitaire de Kidal :
Maternité au CSCom : 1 968 consultations dont 153 accouchements assistés
– District sanitaire de Ténenkou :
Maternité au CSRéf : 7 168 consultations médicales et gynécologiques, 2 225 consultations prénatales et 528 accouchements.
Crédit Photo: Seydou Camara
Source: Médecins Sans Frontières